Mais quand bébé commencera-t-il nous aimer ?
Il est évident qu’il se passe là aussi des choses pendant la vie fœtale. Plusieurs expériences ont prouvé qu’à la naissance, le bébé reconnaissait les voix qui l’avaient entouré pendant ces neuf mois. Celle de sa mère, particulièrement. De même qu’il était sensible à des musiques qu’il avait eu l’occasion d’entendre pendant sa vie intra-utérine.
De là dire qu’il tisse des liens affectifs… Il faut plutôt qu’il s’agit de liens sensoriels. Le canari, dans son œuf, entend le superbe chant de son père… Dès sa naissance, il l’imite. Il ne reproduit pas le chant du canari, mais bien celui de son père, car il y a des trilles différents chez les canaris des îles Marquises et chez ceux de la Somme… Des psychologues seraient-ils prêts, alors, à affirmer que s’est tissé un lien affectif entre l’oisillon et son père ?
Le système nerveux du fœtus est très primaire, il ne faut pas en attendre trop. D’ailleurs, comme l’explique Pr Philippe Evrard (neuropédiatre à l’hôpital Robert Debré à Paris), les bébés qui naissent avec un cerveau qui ne s’est pas normalement développé sont, eux aussi, capables de tressaillir à la voix de leur mère. Mais ils ne pourront jamais faire parvenir cette information un centre de traitement qui pourrait ensuite la transformer en stimulation… puis en émotion.
Le jeune enfant et son comportement
À la naissance, l’enfant possède ce que nous appelons les réflexes archaïques, et qui sont l’héritage de son histoire. Ce sont les réflexes de survie. C’est ainsi qu’on voit un nouveau-né, couché sur le ventre de sa mère, opérer des mouvements de reptation destinés à le diriger vers le sein maternel. Là, il va se mettre immédiatement à téter, il a une succion déjà installée, indispensable pour se nourrir… Le bébé est programmé pour communiquer avec l’être humain, il nait avec un équipement sensoriel très important pour établir des liens.
Mais c’est un être très ouvert, prêt à entrer en communication avec toutes les personnes de son entourage. À l’âge de 6 semaines, il reconnait par tous ses sens (par tous ses pores) la ou les deux personnes qui s’occupent de lui. Vers 8 semaines, il différencie et apprécie tous les membres de son entourage, y compris (et même surtout) son frère de 3-4 ans qui, pourtant, le malmène. Quand il l’entend, il se met en position de repli, prêt à subir l’assaut… Comme c’est sa mère qui s’occupe majoritairement de lui et qu’elle lui dispense cette chose bien agréable qu’est la nourriture, le bébé va effectivement mettre en place avec elle des liens fondamentaux.
Une adaptation à son environnement sans condition
Mais si l’enfant est privé de sa mère à la naissance, il établira des liens avec une autre femme ou un autre homme. De préférence, pourtant, avec une femme, parce que ce n’est pas la même chose de se frotter contre une chair tendre ou contre une barbe qui pique ! Par le passé, il n’était pas rare que les mères meurent en accouchant, l’enfant s’attachait alors à sa grand-mère, sa tante, sa sœur ainée… Si l’intentionnalité est liée au développement de la parole, car les mots font la synthèse de ce que l’on ressent, cela ne veut pas dire que le petit enfant doit totalement maitriser le langage pour accéder à la conscience.
Il suffit qu’il en ait la compréhension, la connaissance intérieure. Il intègre très vite le langage concret, mais il comprend également, dès 14/15 mois, des formulations abstraites, comme On va sortir ! ce qui est très différent de manteau ou promenade. Ce bébé, qui est venu au monde avec un équipement très élaboré mais vierge de toute expérience, va, en dix-huit mois, l’avoir tellement enrichi de ses stimulations sensorielles qu’il aura une formidable connaissance du monde qui l’entoure. Ensuite, avec l’apprentissage du langage et les acquisitions qu’il va mettre en place en s’appuyant sur les processus imitation-opposition, il va poser les structures de base de sa personnalité. Peu à peu, ses relations sensorielles vont se transformer en capacités intellectuelles… Et en relations affectives riches.
Le rapport de force entre parents et enfants
La bonne constellation à ce moment clé du développement de l’enfant, c’est l’amour absolu de ses parents (les liens avec le père sont de plus en plus forts aujourd’hui, car ils s’occupent vraiment des bébés) … et la fermeté. Fermeté et non pas dirigisme. L’enfant doit savoir qui commande la maison, parce qu’il a besoin de ce repère pour se sentir en sécurité. Mais il ne faut pas commander toutes ses actions. S’il se sent prisonnier de la volonté parentale, il va se rebeller, s’opposer… Si un petit enfant a été nourri, pris dans les bras quand il pleurait, promené en poussette, câliné, protégé, écouté… alors, vers 4 ans, ce sera un enfant gentil, obéissant (avec des caprices parfois) et serviable, un petit enfant aimant.